Sur la H.R.P. en 2018

Ami lecteur, ce texte est long, comme le parcours ! Tu peux lire et vivre ! les étapes une par une ... même en désordre !

Au départ sur la plage de Banyuls
Halte dans les Albères

Lundi 25 juin 2018 – Jour 1

Banyuls – Col de l’Ullat

Depuis 40 ans je rêvais de parcourir les Pyrénées dans leur longueur.

D’abord cela a été en suivant le GR10. Puis j’ai appris l’existence du GR11 qui m’attirait plus.

Et enfin la HRP m’a séduit.

Je connais des parties de chacun de ces itinéraires pour les avoir parcourus ici ou là en de maintes occasions. Pour des raisons professionnelles qui m’empêchaient d’avoir assez de temps libre, ce rêve restait à l’état de rêve !

Et j’étais persuadé qu’une fois retraité, je n’aurais pas la motivation, ni la forme physique suffisantes pour tenter un tel périple.

Je suis néanmoins convaincu qu’un homme ne vit que par ses projets. S’il n’en a pas, il passe à côté de sa vie, qui alors ne vaut pas vraiment d’être vécue. Être sage est sans doute une grande qualité, mais savoir tenter des choses folles « sagement » est paradoxalement la qualité suprême ! Oui je sais d’aucuns risquent de dire que j’essaie là de justifier cette tentative osée à mon âge avancé. Ils auront raison peut-être. Tant mieux, tant pis. Je pars.

La rencontre inopportune d’un sanglier sur la route avec ma voiture et les problèmes administratifs qui ont conduit à attendre encore en juin des paiements non reçus de pension de retraite depuis le premier janvier explique mon départ différé de dix jours.

Mon épouse m’a amené à Banyuls pour le départ de cette traversée que j’ai choisi de faire d’est en ouest. C’est un choix arbitraire basé sur la constatation que la lumière du matin étant belle, je préfère l’avoir dans le dos pour faire des photos des paysages que je traverserai … mais j’aurais sans doute pu dire la même chose pour la direction opposée !!

Et puis, je suis d’origine basque, aussi il me semblait naturel de terminer dans ce pays qui détient mes origines.

Parti ce matin de Banyuls à 7h20, je suis arrivé au col de l’Ullat à 17h30.

Longue étape donc. Car j’ai du franchir un dénivelé de 1300 mètres. Il est bien connu que je marche lentement, que je m’arrête souvent pour recharger de l’énergie pour mon corps qui en a besoin régulièrement et que je fais des photos … souvent.

Une autre raison non mineure est que je suis trop chargé. Afin d’être le plus autonome possible, je transporte tente, nourriture et équipement pour franchir les névés gelés et les glaciers que je ne manquerai pas de parcourir sur les étapes de cette HRP dont j’ai choisi un itinéraire pas classique. Je souhaite faire l’ascension de plusieurs sommets dont je connais certains, et pas les autres ! Et ceci dans une seule et même traversée. C’est sans doute ambitieux. Je ne suis pas tout à fait persuadé moi-même d’en être capable mais je ne le saurai que si je tente l’expérience.

Aujourd’hui, la journée a été difficile et longue. Mais j’espère qu’elle constitue un entrainement pour les étapes suivantes qui ne seront pas vraiment aisées elles aussi.

Marcher sur les crêtes dominant le côte Vermeille est un régal pour les yeux. De chaque côté de la frontière c’est la côte à perte de vue, et les grandes plaines le long du golfe du Lion. Superbe. Puis de grands alpages où paissent des troupeaux de vaches. Sans doute aussi des brebis mais je ne fais que reconnaître leur odeur caractéristique sans les voir.

De magnifique forêts de feuillus, puis des résineux plus haut.

Marcher à l’ombre de ces grandes futées des Albères est particulièrement agréable en évitant le grand soleil très chaud ces jours-ci.

Arrivé au col de l’Ullat après dix heures de marche, il a fallu trouver un endroit plat pour installer ma tente car pendant les premiers jours, je n’irai pas en refuge. Il est, je suppose, compréhensible que ma condition financière temporaire mérite une attention particulière. J’ai trouvé un emplacement à peu près plat et heureusement il n’y a qu’une seule vache sauvage qui a bien voulu s’en aller quand je lui ai fait comprendre qu’ailleurs elle serait bien mieux … et me laisserait personnellement plus tranquille !

Je n’ai pas dormi au refuge, mais quand j’ai demandé où je pourrais trouver de l’eau, l’accueil a été chaleureux, ce qui confirme ce que m’avait dit mon copain Gérard.

La source près de mon bivouac forestier est décoré de la sculpture « la reina de les fonts » réalisée au dix-neuvième siècle par Manel, berger et ami de la montagne.

Sculptée par Manel "la reina de les fonts"
Bivouac au col de l'Ullat

Mardi 26 juin 2018 – Jour 2

Col de l’Ullat – Las Ullas

Départ de l’Ullat à 7h15.

J’arrive à Las Ullas à 16h, ce qui, compte tenu de ma perte du chemin n’est pas trop mal !

Etape avec moins de montée, descente jusqu’au Perthus dans de belles forêts très agréables.

L’arrivée et la traversée du Perthus ramènent à la civilisation avec ses nuisances. Vite traverser et remonter de l’autre côté. Au début, c’est aussi sous le couvert de forêts de chênes verts. Le chemin est tortueux mais difficile à perdre. Une seule sente et des balises suffisantes. J’y rencontre deux bretons qui vont vers l’est, un savoyard qui descend à la Renclusa. Il arpente tous les chemins de France mais ne va plus en montagne pour des raisons de santé. Ensuite beaucoup de chemins forestiers en plein soleil, ce n’est pas vraiment intéressant et au final c’est après trois kilomètres de bitume qu’on atteint Las Ullas. Trois kilomètres, cela peut être très long en fin de journée. Le tracé du GR10, dans cette partie, a été modifié car il coupait des lacets de la route ce qui n’est plus possible à cause d’habitations nouvelles aussi le nouveau parcours fait-il passer par cette partie d’excellent bitume !

Je rencontre un randonneur local qui travaille dans le coin. Il m’oriente vers le nouveau tracé et m’indique un terrain aménagé par la commune à l’entrée du village avec eau, table, W.C. et douche pour les randonneurs de passage ! En effet cela correspond à sa description. Très agréable, terrain arboré, de l’ombre et des tables. Un couple est déjà arrivé et ensuite un autre randonneur solitaire arrive pour parcourir la HRP. Il est photographe professionnel ( * ). La douche, quelle belle invention ! Froide, c’est assez dur mais j’ai amené un gant de toilette ce qui modère la fraîcheur … sauf pour le rinçage ! Puis c’est lessive, avec le soleil ambiant elle devrait sécher rapidement. Cette journée a été assez difficile à cause des parties ensoleillées et sans grand intérêt esthétique. Puis la perte des balisages sur la fin à cause sans doute du changement d’itinéraire du GR m’a fait faire quelques kilomètres supplémentaires. il est vrai aussi que j’ai cru voir une croix en X blanche et rouge alors qu’elle est jaune et rouge en réalité ce qui m’a conduit sur un mauvais chemin … dans une belle forêt. Mais je me serais bien passé de ces quelques milliers de pas inutiles … fais attention Bob !

( * ) Nous verrons plus loin que je reverrai Jean-Michel ce photographe sur le parcours et que nous deviendrons amis.

La civilisation au Perthus
Bivouac à Las ullas
La belle fontaine des Salines
Le hameau de Montalbà
A l'approche de la Palette
Le ruisseau de la Palette appelle la baignade

Mercredi 27 juin 2018 – Jour 3

Las Ullas – La Palette

Départ de Las Ullas à 6h30, arrivée au gîte de La Palette à 17h environ (ma montre ne fonctionne plus).

Je pars sur la HRP dont le parcours est diffèrent de celui du GR10 au départ. Après une demie heure de marche, je m’aperçois que je n’ai pas la carte. Sans doute oubliée sur l’aire de bivouac de Las Ullas. La HRP est balisée de bandes jaunes semble-t-il. Je les suis. Elles m’amènent en Espagne très loin vers le fond d’une vallée dont les flancs pentus sont très boisés. Je perds la trace après une descente conséquente. Le GPS m’indique ma position mais sur un écran vide car je n’ai pas téléchargé les cartes espagnoles … J’ai tout de même la direction à suivre pour revenir vers une orientation plus normale mais il faut me diriger plein nord c’est-à-dire par la plus forte pente. Que je suis dans une forêt épaisse pas vraiment accueillante. À travers cette dense végétation je rencontre parfois de vieux chemins forestiers impraticables car envahis par la végétation depuis longtemps sans doute. Après 1h30 de cette gymnastique, je croise un GR espagnol … peut-être le GR11. Je le suis vers le haut, j’ai enfin une direction balisée et cohérente, et je finis par atteindre un lieu magnifique appelé Les Salines. Très belle source qui par trois goulots dispense une eau fraiche et très abondante. J’en bois sans retenue et me jetterais bien dans le bassin si elle n’était pas si froide ! Je suis le GR qui mène sur les crêtes entre La Valette et le Roc de France. Après un arrêt-petite-sieste-réparatrice, je continue vers l’ouest et rencontre un randonneur déjeunant dans l’ombre. Il m’indique le GR10 à proximité. Que j’emprunte et me retrouve enfin sur un chemin sur et balisé au moins dans la bonne direction.

Comme je n’ai plus de carte pour cette zone, mon seul choix est de suivre le GR10, donc d’aller par Montalba à Arles sur Tech au lieu d’Amélie les Bains, objectif prévu. Mais c’est sans importance rédhibitoire car au lieu de monter à Batère par la  HRP, j’irai en suivant le GR10. Ce qui, sans carte, sera plus sur. Mais avec le retard que j’ai pris, je m’arrête au gîte de La Valette qui est à 4h de Arles sur Tech. La journée de demain avec descente vers Arles sur Tech et remontée sur Batère sera bien lourde, je le crains. Je projette de manger quelques fruits à Arles sur Tech car cela me manque.

Le repas au gîte ce soir est composé d’une tranche de melon d’Espagne, de deux tranches de chorizo, de salade verte, puis d’un plat de riz et légumes, de ratatouille et d’une purée de fruits frais succulente. Le tout pour 25 euros comprenant l’emplacement de la tente et une douche que je ne tarde pas à prendre.

Je me suis baigné dans la rivière fraiche mais s’y plonger entièrement fut très vivifiant et reposant pour le corps qui méritait bien ça je crois.

Ma montre ne fonctionne plus, problème de pile sans doute. C’est gênant car j’aime bien contrôler l’avancement de ma progression tout au long de la journée. J’utiliserai mon téléphone, mais c’est moins pratique. ( * )

Le parcours de la journée était, hors diversion vers l’Espagne, très beau. Traversée de belles forêts quasiment tout le temps suivies de crêtes. Je ne suis pas monté au Roc de France, ce que j’avais prévu pour cause de fatigue. Et la descente ensuite toujours forestière était magnifique. Un peu longue toutefois pour mes pieds, jambes hanches, épaules … Le photographe suit la HRP, nous risquons de nous revoir plus tard même si nos itinéraires ne sont pas tout à fait identiques. Les deux jeunes donnent des conseils pour la suite qu’ils connaissent bien, notamment pour l’étape du Canigou.

( * ) Comme ma montre ne fonctionne plus, je l’enlève. Logique. Mais imprudent ! Cet appareil a protégé jusqu’ici mon poignet des rayons du soleil. Aujourd’hui, ce dernier a tôt fait de me bruler la peau à cet emplacement. Je serai contraint de me protéger le poignet par un ruban de Sparadrap jusqu’à l’arrivée.

En quittant la Palette
Curieusement ce panneau indique des directions inversées

Jeudi 28 juin 2018 – Jour 4

Gîte de La Palette – Batère

Départ à 6h50, difficile de démarrer plus tôt, arrivée à 18h15.

Je me fais une soupe chaude dans le gîte et c’est parti !

La descente sur Arles sur Tech est très agréable, encore dans la forêt et relativement longue.

Au col, le panneau, de façon amusante ( ! ), est inversé – voir la photo !

À Arles sur Tech, j’achète du jus d’orange et des fruits, abricots, pêches pas trop mûres … un abricot et une pêche le sont … j’en avais envie, et trois pommes qui resteront dans le sac à dos pour plus tard.

La montée vers Batère commence mal, je me perds – encore, mais cette fois – dans le village car j’essaie de m’orienter sans revenir à la dernière balise du GR que j’aie vue. Je trouve enfin mon chemin et commence la montée sous un soleil orageux. Le chemin constitué de granit et sans doute de gneiss est difficile, surtout avec ce soleil de plomb. je m’arrête de nombreuses fois pour me reposer et boire. J’éprouve de grandes difficultés à progresser. Le parcours n’est pas difficile mais la chaleur, la réverbération du soleil sur la roche claire, la fatigue intense qui me tombe dessus d’un seul coup me remplissent de doute. Chaque mètre parcouru péniblement me convainc que cette aventure n’est pas pour moi, que j’ai présumé de mes forces. Un sursaut de fierté me fait relever la tête, que cette chaleur associé à l’abus de fruits pas tout à fait mûrs torturant l’intestin me font baisser aussitôt. Je suis dans un état d’esprit abominable. Partagé entre la honte de renoncer à continuer, le découragement total et aussi la certitude que mes proches pourront comprendre mon échec. Abattu, je décide de forcer jusqu’au refuge de Batère et, demain, de rentrer chez moi.

Puis le sentier se transforme en large chemin. Cette partie n’est pas très ascendante. On quitte le chemin pour emprunter un sentier qui commence par descendre vers un beau ruisseau au bord duquel je m’arrête à l’ombre pour me rafraichir et même boire à même le cours d’eau. C’est la troisième fois que je bois comme cela à la façon des veaux … est-ce raisonnable ?

À ce moment-là, le photographe qui s’appelle Jean-Michel me rejoint. Il a fait une longue pause à Arles sur Tech où il s’est délesté d’une partie de sa charge et envoyant chez lui quelques effets personnels. Et plus tard s’est trompé de chemin ce qui explique pourquoi, parti plus tôt que moi du gîte, il s’est retrouvé derrière. Il a eu les mêmes difficultés que moi sur la première partie du parcours. Celle où je me demandais ce que je faisais là et avais pris la décision de renoncer.

Nous montons ensemble la dernière partie du chemin. Celle qui monte le plus après plusieurs haltes, dont une dans un village de tepees où une quinzaine de jeunes vivent. Nous discutons avec l’un d’eux et y faisons le plein d’eau. Plus haut c’est le brouillard dans lequel nous arrivons au refuge.

Paradoxalement peut-être … je suis profondément persuadé à cet instant que j’irai jusqu’au bout de l’aventure. Le passage à vide restera désormais derrière moi. Merci Jean-Michel pour cet précieux partage. ( * )

Nous ne sommes pas attendus au refuge et il y a peu de monde mais nous aurons tout de même droit à une assiette avec suffisamment à manger. Bel accueil agréable, c’est assez copieux et la bière pression est bienvenue. Pas de tub norvégien comme annoncé avant le départ par mon copain Gérard, trop peu de monde pour le mettre en route, dommage.

Le gardien et sa femme sont très sympathiques. Nous avons aussi droit à des conseils pour la journée de demain pendant laquelle nos chemins avec Jean-Michel se séparent. Ma journée sera surement très longue au passage du Canigou.

De sous ma toile de tente, j’entends des orages au loin, mais la météo est annoncé bonne pour demain.

( * ) Jean-Michel écrira un très beau livre illustré de nombreuses photos dans lequel il relate sa traversée, et  entre autres, cet épisode.

Tentation de Disparition par Jean-Michel Leligny, Les Editions de Juillet

Aux Cortalets le soir ...
... et le matin ...

Vendredi 29 juin 2018 – Jour 5

Batère – Les Cortalets

Parti de Batère à 6h30, arrivé aux Cortalets à 14h.

Je ne comptais pas m’arrêter ici mais le Canigou est dans le brouillard. Je prévoyais d’y aller par la crête Garbet mais dans le brouillard et avec l’orage qui s’annonce, ce n’est pas vraiment un bon plan. Je fais donc halte au refuge des Cortalets où je retrouve Jean-Michel qui arrive deux heures plus tard après avoir fait beaucoup de photos sur le parcours. C’est vrai que la lumière et le cadre s’y prêtaient. Vers 17h le jeune couple arrive aussi. Ils sont partis de Arles sur Tech, ce qui est une grande étape méritoire !

J’ai installé ma tente en arrivant et ai fait un peu de lessive. T-shirt, slip, chaussettes que j’ai étendus sur une cordelette entre deux pins. Et maintenant il pleut abondamment ! Puis revenu à la tente pour prendre ma doudoune car j’avais froid dans le refuge. Jean-Michel est parti monter sa tente sous la pluie, bon courage ! Je suppose qu’il va revenir à la nage.

Du coup, je prends une journée de retard qu’il faudra rattraper plus tard. ( * ) Mais je ne regrette pas ma décision car parcourir les crêtes du Garbet sous ce déluge n’eut pas été agréable et pas prudent du tout. J’ai bu une bière faite à partir d’eau de la source de la Perdrix toute proche, artisanale et fruitée. Je me contente d’une seule pour ménager … mon budget et ma clarté d’esprit ! Je me retiens !

J’ai un peu peur de la météo pour la journée de demain. S’il elle est aussi mauvaise qu’aujourd’hui, je ne sais pas ce que je ferai, on verra demain …

J’ai enfin pu consulter la météo sur mon nouveau téléphone portable dont je ne connais pas encore tous les rouages, mais ça viendra !

La pluie s’arrête dans la nuit, demain matin beau temps avec risque d’averses en début d’après-midi, puis soleil ensuite … si c’est vrai : c’est bien !

Le refuge est très animé, beaucoup de gens, sans doute amenés par la pluie et il est possible de venir en auto par la piste ! Un grand contraste avec la solitude de la montagne. J’ai tout de même croisé une quinzaine de randonneurs aujourd’hui … et tous marchaient beaucoup plus vite que moi. Bizarre.

( * ) En fait j’ai un rendez-vous sur le chemin à une date déterminée avec Patrick, ami spéléologue.

Sentier fleuri près des Cortalets
Le Canigou vu de la crête Garbet
Au col des Roches Blanches
Calme soirée au bivouac

Samedi 30 juin 2018 – Jour 6

Les Cortalets – Collado des Roches Blanches

Départ des Cortalets à 6h30, arrivée à Collado des Roches Blanches à 17h, au milieu de nulle part.

Cette nuit, il y avait fête aux Cortalets. Un groupe de bonnes intentions amène un jeune garçon handicapé au sommet du Canigou avec un engin bizarre à roues, adapté pour cet usage. C’est en effet une bonne intention. Et ils en profitent pour faire la fête bruyamment pendant la soirée. Le seul bémol à mon sens vient de la mauvaise utilisation d’un instrument de musique à vent, un cor ou un clairon qui détient certainement le premier prix de la « musique mal jouée ». De plus, nous sommes nombreux à tenter de dormir.

Le calme religieux des montagnes, ce n’est pas ici ce soir.

Jean-Michel, prévoyant, déplace sa tente pour l’installer proche de la mienne dans un endroit un peu plus tranquille.

Ce matin, lever à 5h30, je décolle à 6h30.

Jean-Michel est réveillé. Nous échangeons quelques mots. Sans doute ne nous reverrons plus, en tous cas sur la HRP. Ailleurs, plus tard … qui sait ? L’avenir est imprévisible.

Je prends le chemin de la crête du Garbet qui semble plus intéressante que la montée traditionnelle. Elle l’est en effet. Superbe sur les deux côtés, et surtout vers le Canigou. La fin de cette crête se termine par deux dalles de niveaux 3 comme indiqué par le gardien de Batère. Beaucoup de gaz. Ce me semble dangereux avec mon gros sac. Je court-circuite ce passage et rejoins le sentier plus bas. Du coup, je me suis éloigné du sommet et décide de l’oublier momentanément. Du bas, le passage difficile semble l’être moins, trop tard. Je ne regrette pas du tout ma prudence d’autant plus que je suis en retard sur mon programme.

Le sentier jusqu’au refuge des Marialles est de toute beauté. D’abord dans les alpages éclairés par des myriades de jeunets jaunes éblouissants, puis dans une forêt superbe où je rencontre un vieux monsieur de 85 ans avec lequel je taille une bavette pendant une demie heure. Il avait envie de parler, de partager son amour de la nature et de la montagne. C’est touchant, intéressant et encourageant quant à mon avenir de marcheur.

Puis c’est la montée dans les alpages qui longent la frontière jusqu’à Ull de Tur. Je croise une longue suite de marcheurs espagnols qui me renseignent sur la direction à prendre. Elle semblait évidente mais dans ces vastes prairies sans repaires, j’ai préféré une confirmation. Je m’arrête de marcher à 17h. Je n’ai rattrapé qu’une demie journée sur mon programme, mais à chaque jour suffit sa peine.

Onze heures et demie de marche me suffisent aujourd’hui.

Là où je plante ma tente, endroit splendide et calme, seules les sonnailles d’un troupeau de chevaux dispensent une musique sympathique. Je dois d’ailleurs les éloigner, car, curieux ils viennent tous un par un voir cet étranger et sa tente sur leur territoire.

J’ai du réseau téléphonique aussi je donne des nouvelles de mes aventures à la famille, à Fabrice qui suit mon périple et a prévu de me rejoindre quelque part sur le chemin, et aux amis du théâtre.

Sur les premiers névés
En suivant les crêtes frontières

Dimanche 1ier juillet 2018 – Jour 7

Collado des Roches Blanches – Vallée de Eyne

Départ du col à 6h15, arrivée en haut de la vallée de Eyne à 19h.

Rude journée, 12h45 de marche.

Je voulais continuer de rattraper le temps perdu.

Je dois reconnaître que j’ai bien avancé mais c’est à force de volonté car les dernières montées ont été très difficiles.

En fin de journée, rudes dénivelés, sac trop lourd … oui, je sais, je me répète !

Longueurs des étapes un peu trop prétentieuses … pour moi !

Enfin, j’espère être demain soir aux Bouillouses, ce qui me remettrait en conformité avec mes prévisions.

Aujourd’hui, septième jour, c’est-à-dire 15% du parcours. Maintenant, je compte bien aller au bout de cette aventure, de ce défit.

Dans la première partie de la journée, je me suis « un peu perdu ». Le parcours semblait linéaire … mais en fait il est « presque » linéaire, nuance non anodine. Donc demi tour sur quelques centaines de mètres pendant lequel j’ai rencontré un randonneur toulousain jeune retraité depuis le début de l’année comme moi. Il fait la traversée de l’ouest vers l’est. Pas chargé, car il a réservé dans tous les refuges ce qui l’exonère de provisions de bouche et de matériel de bivouac. C’est une bonne solution mais bien plus onéreuse, et contraignante puisque imposant de respecter à la lettre le programme sous peine de perdre les réservations. Après un regard appuyé vers mon sac, il me prédit que je n’arriverai pas aujourd’hui à la vallée de Eyne comme je l’ai prévu …

Piqué au vis dans mon amour propre, je trouve de nouvelles ressources internes, allonge le pas et accélère le rythme.

Et je suis bien dans cette belle vallée !

À la station de Ull de Ter, j’ai vainement cherché un point de ravitaillement. Oui, aujourd’hui, c’est dimanche ! Tout est fermé. Même les distributeurs de boissons sont désactivés. Un couple de jeunes espagnols derrière les vitres du bâtiment fermé répond à mes appels, et comme rien n’est ouvert, ils me donnent un de leur sandwich et une bouteille de 1.5 litre d’eau. Ce ne sera qu’un parmi les nombreux beaux gestes de solidarité que je rencontrerai.

Puis, je suis parti sur les tristes pistes de ski sans neige. En fait la station et le refuge éponymes ne sont pas dans la même vallée, je ne verrai donc pas le refuge. Dommage.

J’atteins le col sans passer par le refuge, et plus tard la vallée de Eyne en suivant le sentier ondulant verticalement entre crêtes et sommets. Pas d’endroit réellement accueillant pour un bivouac sur ce parcours, mais de belles vues de chaque côté de la frontière.

Je vois des sarrios et des isards … en fait les mêmes, selon qu’ils sont au nord ou sud de la frontière !

Dans les Asturies, aux Picos des Europa, on les appelle rebeccos.

Dans la vallée, les animaux foisonnent. J’installe ma tente un peu plus haut qu’envisagé car je vois en contrebas un beau troupeau d’isards que je refuse de déranger !

Aussi, un grand nombre de marmottes, et j’aperçois un animal non identifié, plus gros qu’un renard, sombre avec des taches oranges …

La nuit dernière, j’étais bercé par les sonnailles, cette nuit, ceux sont les nombreux torrents de fonte des névés qui me régalent de leur musique en dévalant les flancs de la vallée.

Lors d'une petite halte
Le bivouac en haut de la valleée de Eyne
Comme au Canada ... presque !
Le refuge des Bouillouses

Lundi 2 juillet 2018 – Jour 8

Vallée de Eyne – Refuge des Bouillouses

Départ du haut de la vallée à 6h15, arrivée aux Bouillouses à 16h.

Dans la vallée, tout dort.

Hier soir, c’était animé partout. Il y avait des animaux dans tous les coins, et surtout le long des torrents.

Cela me donne envie de revenir ici en chasseur … photographique.

Il me faut trois heures pour arriver à Eyne. La descente de cette vallée est magnifique. Le torrent, les fleurs, les animaux, tout le cadre est réjouissant.

Arrivée à la civilisation, je commence par m’engager en suivant des balises GR, mais rapidement je réalise que je ne suis pas dans la bonne direction. Rapidement je me remets sur le bon chemin. Ici il y a du bitume …

À Bolquère, je me réjouis à la pensée de me réapprovisionner … mais on est lundi, magasin fermé. Je continue donc la traversée de la partie « civilisée » et arrive dans des prairies verdoyantes, longe une forêt de résineux, et atteins enfin la montagne. Très beau parcours sur cette portion du GR10 qui est annoncée provisoire …

Puis ceux sont deux lacs qui me transporte au Québec par leur apparence, avant d’arriver aux Bouillouses, comparativement décevant.

Je fais un détour pour éviter quelques centaines de mètres de goudron avant le refuge. Et m’embarque dans une boucle m’obligeant à franchir des ruisseaux et une clôture électrifiée !

Au refuge, le gardien ne me laisse pas le temps de souffler ! Et me propose à boire. Je prends une bière tentante avec inquiétude car je suis à jeun depuis ce matin 6h15. Et tout va bien !

Il y a une douche chaude. Quel luxe. Quel plaisir. Mais pas de point d’eau pour ma lessive. Je vais jusqu’au point info touristes où j’utilise les lavabos.

Mon copain spéléo et montagnard Gérard m’a laissé un message, il compte passe ici un moment avec son véhicule de service mais nous nous manquons, je n’entends pas son appel pendant la lessive. Dommage. nous avons tout de même une longue conversation téléphonique un peu plus tard. Après de longues heures de marche solitaire, cela fait du bien une voix amie.

Bernard, un collègue de travail de chez Air France, a prévu de me rejoindre plus tard afin de marcher quelques jours avec moi. Il m’appelle et me confirme le projet. Il me précisera le lieu de rencontre qui sera dans une dizaine de jours. C’est une excellente nouvelle. À suivre.

Gérard m’a dit que l’étape de demain sera rude. Le passage du Carlit nécessitera les crampons au moins pour la descente, et il a 900 mètres de montée.

Si on s’en tient aux chiffres :

Départ du refuge à 2005 m. Montée régulière jusqu’à 2400 au pied du Carlit.

Puis 500 m de plus jusqu’au sommet à 2921 m.

Et descente rapide jusqu’à 2500, suivie plus tard de descentes coupées de quelques petites montées jusqu’au Puymorens à 1920 avant d’atteindre l’Hospitalet à 1500 m environ.

Belle étape en effet.

C’est une joie mêlée de plénitude !

Magnifique Astrance
Rencontre rampante et discrète
Reflet devant le Carlit
Dans l'ascension du Carlito

Mardi 3 juillet 2018 – Jour 9

Refuge des Bouillouses – L’Hospitalet près l’Andorre

Et oui, ce fut une belle étape !

Départ à 7h30, arrivée à 18h

Tout d’abord, après avoir rangé mon bivouac établi dans la forêt à proximité du refuge, c’est un très bon petit déjeuner prévu à 7h30 au refuge, mais déjà prêt à 6h30. Heureusement je m’étais trompé d’une heure plus tôt en réglant mon réveil. Il arrive parfois que mes étourderies aient des conséquences positives !

J’ai rendez-vous avec Patrick, un copain spéléo à l’Hospitalet, aussi je ne traine pas … à mon rythme, parfois dit « de sénateur ».

La randonnée commence entre des lacs, qui là aussi, me projettent au Canada. Je me promets de revenir ici pour mieux découvrir cet endroit. ( * )

Puis c’est le plat de résistance, le Carlit. De loin, il a l’apparence d’un mur vertical ce qui m’inquiète un peu. Et plus je m’en approche, plus cela parait accessible. Le gardien du refuge m’a expliqué, photo à l’appui, le chemin à suivre. Ce qui m’a rasséréné quant à un point : connaître les passages sans perte de temps pour les trouver.

En réalité, la longue prise d’altitude se décompose en 300 m parmi les lacs, et 600 m pour le Carlit lui-même. il reste encore beaucoup de névés ce qui ajoute du peps à la marche … et à la beauté au paysage. Par moments, ce n’est plus de la randonnée, il faut « poser les mains » comme dit le gardien ! Avec de grands vides sous les pieds. Un peu de concentration s’impose pour éviter tout faux pas, mais ça se passe bien.

C’est un ensemble de dalles sub-verticales sur ou entre lesquelles il faut trouver le meilleur passage, car il y en a plusieurs. Du monde dans les deux sens, mais ce n’est tout de même pas la foule. Ce sommet est un classique à la portée de tout bon marcheur par trop impressionné par le vide.

Mais quid de la descente de l’autre côté ?

Le sommet est composé de deux parties séparées par un col qui laisse l’accès vers le versant nord. Un jeune homme en sort quand j’arrive. Il est monté avec difficulté et prétend qu’il ne faut pas avoir peur du vide …. et prévoit de redescendre sur les fesses ! Son compagnon de marche tempère un peu ces propos. Puis arrive un groupe d’une dizaine de personnes encadrées par un guide professionnel qui connait et me rassure. Ouf !

Et en réalité, la descente ne présente aucune difficulté technique. Impressionnante, certes, car elle est située dans une longue brèche quasi verticale de 400 mètres que l’on descend dans des cailloutis instables mais sans réel danger, si on reste concentré … même si ça dérape un peu.

Puis c’est le passage sur les berges de l’étang gelé de Lanoux (ou Estany de Lanós) et une longue descente vers le col de Puymorens pendant laquelle je me trompe encore une fois car perdu … dans mes pensées, et induit en erreur par une balise jaune (HRP ?), mais parfois il y en a partout ! Je choisis de retrouver mon chemin par une descente raide dépourvue de sentier. c’est sport ! Et c’est un chemin long, long, jusqu’au col. Puis descente à l’Hospitalet.

Très belle journée tout de même.

Je retrouve Patrick qui m’a amené des douceurs : fruits, compotes, saucisse de foie et tomates. Magnifique.

D’autant plus que je comptais m’approvisionner à l’épicerie de l’Hospitalet, mais c’est fermeture annuelle jusqu’au 17 juillet. Décidemment, je n’ai pas de change avec les commerces alimentaires !

Patrick me conseille de manger ! Comme il a raison, j’ai tendance à plus marcher que manger. Sans doute car hypnotisé par cette montagne enchanteresse.

Il m’a amené des comprimés pour soigner des brûlures d’estomac qui me tiennent depuis quelques jours, et un grand pansement pour une épaule qui a perdu son épiderme sous le frottement et la pression d’une bretelle du sac. En espérant que la douleur en sera atténuée et sans complication future.

Demain, 1100 mètres de dénivelé. Super.

( * ) : Je reviendrai d’ailleurs plusieurs fois autour des Bouillouses, en toutes saisons, tant cet endroit est plaisant.

La descente du Carlit
Encore beaucoup de névés
Vraiment en haute montagne
Une succession de lacs

Mercredi 4 juillet 2018 – Jour 10

L’Hospitalet près l’Andorre – Refuge du Rulhe

Départ à 6h30 – Arrivée à 16h30

Très belle étape. Chaque jour m’émerveille.

Je connais le chemin jusqu’à l’étang de Pédourrés, belle ascension à la fraîche dans une lumière matinale magique de beauté Je m’égare un instant au niveau du pluviomètre qui est proche de la Couillade de Pédourrés. en fait, c’est une vraie couillonnade ! J’en efface même par erreur la trace sur le GPS. Peut-être est-elle tout de même sauvegardée quelque part dans le téléphone.

À l’étang de Couart, je rencontre un pêcheur bien installé avec sa tente depuis trois jours dans ce véritable petit paradis. Nous discutons agréablement pendant une demie heure. Je resterais bien ici quelques jours aussi. Ces étangs naturels ont une eau limpide profonde qui incite au bain. Mais attention : frais ! Cette année il y a eu beaucoup de neige. En période de fonte, elle alimente les torrents impétueux qui dévalent la montagne de tous côtés. L’eau chante et gazouille partout, quand elle ne rugie pas en cascades tumultueuses et écumantes. Les sentiers sont empruntés par cette eau omniprésente et on patauge souvent !

De très nombreux névés fondent au soleil mais ils restent encore des obstacles plus ou moins aisément franchissables. Sur les chaos nombreux, la neige facilite la progression à condition de ne pas dévisser jusqu’au bas car ils peuvent être très pentus. Quelquefois, ils cachent le sentier et son balisage, obligeant d’abord une recherche attentive du bon chemin et ensuite des détours plus ou moins longs et acrobatiques.

À partir du col (collada de Juclar ou col de l’Albe sur la frontière), je ne parviens pas à trouver le sentier GRT qui est irrégulièrement balisé. À cause des névés ou de mon manque d’attention. Ne le trouvant pas, je descends à travers de nombreux pierriers peu faciles. Je perds du temps mais le cadre est splendide. Je fais des photos sans les contrôler mais ce paysage est tellement beau que j’en tirerai bien quelque chose.

Les lacs, toujours des lacs, en descendant vers le refuge, puis dans une bonne dernière remontée.

Le refuge est situé à l’extrémité d’une grande prairie perchée et très ventée.

J’installe ma tente derrière le refuge. Petite lessive à la fontaine. J’ai oublié mon savon aux Bouillouses !

Le gardien me prête un flacon de shampoing pour la douche chaude. Et oui, chaude ! La deuxième. Quel plaisir presque oublié. Le gardien me dit : trois minutes, vous verrez, c’est « confort » ! Oui, c’est vrai. Et c’est trois minutes de bonheur.

Je voulais nettoyer mon pantalon de marche, je garde l’autre relativement propre pour les refuges ! Mais il est déchiré aux fesses. Je tente une réparation avec mon nécessaire de couturier en herbe. Pas de réseau téléphonique, je ne peux donc pas demander à mon épouse de m’en déposer un sur le parcours futur. Plus tard peut-être.

Je parle de mon étape de demain au gardien qui m’indique que je ne pourrai m’approvisionner à El Serrat et que Ordino est trop loin De plus il m’annonce neuf heures de marche Un peu long pour moi. Je compte m’arrêter avant et faire un repas issu du sac à dos. Le lendemain, je franchirai la frontière andorrane pour revenir en France plus loin où je mangerai en refuge.

Ce soir, le brouillard arrive rapidement du nord-ouest et je me retrouve enveloppé dans cette nuée fraichissante. Je vais me coucher quelques minutes plus tard, et j’entends des gouttes de pluie éparses sur la tente. J’espère que le temps va s’améliorer cette nuit sinon la journée de demain sera difficile.

Le repas de ce soir était convivial comme d’habitude dans les refuges Mais bruyant pour mes oreilles.

Des randonneurs GR10 sont à leurs neuf dernières étapes car ils marchent bien plus vite que moi. L’un deux me parle de respiration par le ventre ce qui, d’après lui, amplifie les forces. À voir.

Le refuge du Rulhe
La montée rapide de la brume
Journée dans les nuages
Paysage iréel

Jeudi 5 juillet 2018 – Jour 11

Refuge du Rulhe – Nulle part !

Départ à 8h, oui, un peu tard après un très copieux petit déjeuner. Arrivée à 17h.

Du refuge du Rulhe jusqu’à près d’un lac … invisible à « els Clots d’Embolcar » à 2440 m, soit … nulle part !

Enfin, arrêt pour cause de panne d’énergie, de froid, de brouillard, de manque de visibilité …

J’ai monté la tente sur le seul endroit à peu près plat que j’aie trouvé dans un alpage pour chevaux aux sabots crochus pour rester collés au sol en forte pente entre deux névés qui rafraichissent le courant d’air. C’est près d’un lac que je ne vois pas. Son nom n’est pas visible sur ma vieille carte, mais il est nommé Espany de Ransol sur le GPS. C’est sur le GRT mais encore loin de El Serrat où je comptais m’arrêter ce soir. L’étape de demain en sera plus longue que prévue jusqu’à l’étang Fourcat que je compte bien atteindre dans la journée.

Le gardien du Rulhe, à cause du mauvais temps, m’a conseillé un autre chemin que celui que j’avais prévu. En effet, il s’agissait d’un parcours sur des pentes herbeuses dangereuses sous la pluie et « pomatoires ». Dommage car c’était sur le versant français dont le GPS a le fond de carte contrairement au versant andorran que je n’ai pas.

Au début, dans le brouillard, c’est difficile de suivre le chemin pourtant balisé. Mais le GPS aide bien. Ensuite en Andorre je suis le GRT mais je n’ai pas retenu qu’il faut le suivre jusqu’à destination car lui aussi n’est pas indiqué sur ma vieille carte. Aussi je prends un « raccourci » qui me fait faire au moins 1.5 km de trop dans des terrains abominables sans compter un autre bon kilomètre dans la bonne direction cette fois mais peu facile aussi. Bref, une perte de temps d’au moins deux heures et beaucoup d’énergie. Ce que je paie maintenant en m’arrêtant avant le but que je m’étais fixé au refuge de Borda de Sorteny. C’est un peu stupide – un peu ? – oui, je trouve. Demain sera plus dur encore.

Sur ce parcours, côté andorran, j’ai trouvé beaucoup de gros névés dont il a fallu contourner certains. Ils sont très pentus et glisser dessus aurait de fâcheuses conséquences. Et tout ceci dans un brouillard limitant la visibilité à quelques mètres interdisant de repérer de loin un lieu propice pour le bivouac. Lieux d’ailleurs bien rares dans cette zone.

Aussi, je m’arrête arbitrairement à 17h en un endroit non idyllique alors que peut-être eut-il mieux valu aller plus loin pour une zone plus accueillante. Impossible de savoir aujourd’hui. Et aussi marcher avec un vêtement de pluie me donne l’impression d’être dans un sauna irrespirable. En t-shirt, j’étais gelé par le vent parfois violent et glacé. Il prenait sans doute sa température des nombreux névés survolés encore bien présents. D’ailleurs leur fonte provoque des descentes d’eau particulièrement abondantes. J’ai les chaussures trempées ce qui ne ménage pas mes pieds déjà bien marqués par la marche. J’espère pouvoir sécher le plus tôt possible mais ce ne sera pas demain, au soir peut-être. En fonction de cette double supposition :arriver assez tôt et avec le soleil ! Peu probable.

Et Bernard et moi devons nous retrouver demain soir au refuge du Fourcat. Possible, pas possible ?

Ce soir, la montée de la tente, transi de froid a été une épreuve d’autant plus que j’ai du chercher un emplacement et j’ai sans doute trouvé l’unique acceptable dans cette zone très pentue. Puis installer tout le matériel resté encore humide de la nuit précédente. Enfin, me mettre au sec relatif dans mon volume restreint, et après une courte pause, me faire à manger.

Le réchaud à gaz touche le plafond de la tente quand on pose une gamelle dessus et les risques de brûler la tente avec la flamme, et le bonhomme avec l’eau chaude ne sont pas nuls. D’autant plus que les quelques centimètres carrés plats requis pour poser le tout n’existent pas.

Enfin, j’ai pu manger. Potage et semoule rapides. Une bonne gamelle bien chaude, c’est bon. Sauf que pour la boire, il faut lever la tête ce que la hauteur sous plafond ne permet pas. Maladroitement, je renverse du potage dans le sac de couchage … ça parfume. Ensuite une pensée émue et reconnaissante pour Patrick qui m’a amené de la saucisse de foie, des fruits, de la compote en portions individuelles et une barre de céréales. Cela compose un repas de roi !

Voilà, il n’est que vingt heures et je n’ai d’autres choses à faire que dormir. À part un besoin naturel qu’il faudra satisfaire. Mais sortir du sac de couchage, enfiler imperméable et chaussures mouillées ne m’emballe pas tout à fait. D’autant plus que ça y est, il pleut vraiment maintenant.

Tout à l’heure, des chevaux sont passés près de la tente en musique de leurs cloches, très intéressés par cette chose bizarre bleue posée sur le sol de leur territoire. Quand je me suis manifesté, ils sont partis.

Dans la nuit, un bruit indistinct me réveille. Je sors la tête de la tente et me retrouve sous le ventre d’un cheval curieux. Après quelques protestations de ma part, il consent à s’en aller …

Aujourd’hui, jour 11. C’est presque 25% de la traversée. Cela passe vite mais il reste encore au moins 34 à 36 jours qui ne manqueront pas de réserver quelques surprises. Il faut absolument que je me renseigne chaque jour quant au meilleur chemin à suivre surtout par mauvais temps, et que je trouve le moyen de poser les bonnes questions !

Au lever du jour, la tente verglacée
Cette cabane, plus hautn aurait bien fait mon affaire pour la nuit !

Vendredi 6 juillet 2018 – Jour 12

Nulle part ! – Je ne sais où !

Etrange journée, fatigante !

Départ à 6h40 de nulle part pour arriver je ne sais où à 21 h !

En fait près d’un lac invisible, gelé et recouvert de névé : l’étang de la Goueille.

Ce matin, en ouvrant la tente : super, le ciel est bleu sans un seul nuage !

Le brouillard s’est dissipé pendant la nuit et il ne pleut plus. Par contre il fait froid. D’ailleurs, l’eau encore restée sur la tente est gelée. J’avais bien senti ce froid pendant la nuit. L’altitude et les nombreux névés proches expliquent surement cela !

Je pars à 6h40. Il fait froid, je l’ai dit et le sentier est encore à l’ombre. Au gré des différentes altitudes et expositions, je passe du soleil à l’ombre. La différence est saisissante. Début à l’allure lente, d’autant plus que la pente est raide. Je peux admirer un petit groupe de sarrios en observation sur une crête, et juste avant il y a une cabane semi enterrée qui aurait bien fait mon affaire cette nuit. Car monter et ranger ma tente dans ces conditions n’a pas été agréable.

Enfin je marche avec grand plaisir. Bonne forme, j’avance vite. À partir du refuge de la Borda de Sartony, je suis doublé par une myriades de fous courants. C’est le Grand Trial Andorran. Ils sont 450 parait-il, et ils ont choisi « mon » chemin pour courir !

Les trois premiers me doublent un quart d’heure après le passage devant le refuge. Leur course est magique. On dirait des elfes qui survolent le sol en souplesse et avec grâce, j’en reste sans voix.

Il faut laisser passer tous les autres, je suis trop lent pour eux ! Et ça casse souvent le rythme. Je constate tout de même qu’ils ne courent pas dans les montées, et que même, certains ne montent pas plus vite que mon sac lourd sur mon dos !

Puis j’arrive à Arcadis, grosse station et là commence la dernière ascension vers le col de l’Albeille derrière lequel on peut accéder au refuge du Fourcat.

Enfin, ça, c’est la théorie car je me trompe au début de cette montée et perds un peu de temps. Il n’y a pas de sentier bien visible et bien signalé, ou je n’ai pas su le trouver. Il faut dire que sous les névés, c’est moins évident. Enfin, au niveau du lac de Tristaina commence un grand névé très pentu. Après une vaine tentative en chaussures, je mets mes crampons qui sont nécessaires. Et pour corser la situation du brouillard déborde des crêtes et, venu de France, il envahit tout. Aucune visibilité. Je dois consulter sans cesse le GPS pour repérer la bonne direction. C’est « jour blanc ». C’est-à-dire que tout est noyé dans un blanc-gris sans relief, sans ombre. Aucun objet n’est distinct des autres. La limite entre brouillard et neige est invisible. A un mètre devant soi, il est impossible de voir si le sol monte ou descend. Dans ces conditions, une très grande prudence est vitale.

Après bien des efforts, j’arrive au col qui est enroché. J’enlève les crampons et commence la descente que je crois facile et relativement rapide. Mais c’est sans compter sur le manque de visibilité et les nombreux névés. Même sur le GPS, je me perds, retrouve le sentier, me perds encore, et ceci sans cesse. Je n’ai aucun repère visuel. Au début, c’est presque un jeu, puis ça devient contrariant, pénible et dangereux. Je ne vois rien, ni la pente des névés, ni l’orientation à suivre. Il y a des lacs, je n’en vois aucun. Tous recouverts de glace et de neige. Je cherche pendant des heures en vain. D’après le GPS je suis très proche du refuge mais ne trouve pas le passage en brèche que pourtant j’ai connu par temps dégagé.

Le brouillard est très épais, les passages dangereux. Puisque je ne trouve pas l’accès au petit col espéré. Je tente de franchir la crête en attaquant directement la forte pente. Ça devient rapidement de l’escalade. Je m’accroche à un gros bloc qui cède et part en chute dans la pente derrière moi. Trop dangereux. Je redescends.

Je finis par décider de m’arrêter encore une fois au milieu de rien. D’un rien que ne je vois même pas. Je trouve tout de même un petit bout d’alpage pas trop pentu et y installe ma tente. C’est à quelques mètres d’un beau névé. Il y en a partout. J’ai intérêt à me couvrir chaudement, la nuit va être froide.

J’espérais faire un bon repas au refuge. C’est raté. Et je n’ai plus que de maigres provisions de bouche … Repas léger donc. J’espère que demain le ciel sera dégagé pour enfin pouvoir me repérer correctement. Sinon, je serai en difficulté. Cela me fait perdre un jour. Bernard doit être tout proche, à notre rendez-vous au refuge. Et je n’ai aucun moyen de l’informer de ma situation.

Cette abondance de névés qui compliquent sérieusement ma progression me pose question. Dois-je ou non continuer la traversée dans ces conditions ? Je me donne jusqu’à demain pour décider. J’aimerais bien avoir l’opinion du gardien que je n’ai pas encore vu … eh, Bob, tu ne vas pas te décourager maintenant !

On verra demain.

Paisible et farouche accueil
Partout les balises du trail andorran
Le lac Fourcat

Samedi 7 juillet 2018 – Jour 13

Je sais où ! – Refuge du Fourcat

Passé une très bonne nuit. Après 14h20 de marche, c’est sans doute normal !

Réveillé au milieu de la nuit, je constate que le ciel est dégagé. On peut l’y voir une myriade d’étoiles, magnifique.

Je me lève « tard », 6h30.

Très beau temps. Une petite poignée d’amandes et d’arachides, juste ce qui me reste …

Je remballe tout le matériel de bivouac et me mets en route.

Je vois enfin où je suis. Je repère le passage tant espéré qui mène au refuge. Je n’en étais pas loin du tout ! Mais j’avais perdu la trace. J’ai bien essayé de franchir le dernier obstacle mais cela devenait vraiment dangereux. De l’escalade avec un gros sac à doc était franchement kamikaze. Ce matin, je vois que j’étais tout près, mais la prudence me commandait de m’arrêter. Dommage pour le repas chaud qui me faisait tant envie.

Je monte le goulet, franchis le névé du col – encore un – en suivant la piste rouge-blanche perdu hier soir. Puis je vois le refuge à portée de main. Je le connais de l’extérieur pour y être déjà venu en randonnée hivernale solitaire alors qu’il était fermé.

L’étang Fourcat est encore gelé en grande partie. L’eau propose un camaïeux de nuances de bleus. Que c’est beau !

Je parviens au refuge par l’est et vois un randonneur y arriver aussi par l’ouest. Il est chargé comme moi d’un gros sac à dos.

Celui-ci m’appelle. Sous sa casquette, il me faut quelques secondes pour reconnaître Bernard !

Nous tombons dans les bras l’un de l’autre … fantastique !

Le plus drôle : je n’ai pas pu arriver au refuge à cause du brouillard et des névés qui m’ont fait perdre la trace … et un peu aussi à cause de mon manque d’attention. Et c’est la même chose pour Bernard qui a, lui aussi, bivouaqué pas loin du refuge …

Nous restons aujourd’hui au refuge et partirons ensemble demain pour Le Monicou. Pour moi cela fait un break salutaire.

Et c’est bien car l’orage menaçant depuis un moment éclate à 16h. C’est bien de le voir à l’abri plutôt que sur les sentiers.

Jour de fête aujourd’hui : assiette de charcuterie excellente à midi. Ce soir, je dors au refuge. Cela fait trois nuits que ma tente est mouillée. Puis ce sera repas ce soir et petit déjeuner au refuge, et demain panier repas pour la route.

Après les errances dans le brouillard, le duo se constitue
Au soir près du refuge du Fourcat
Le petit lac Fourcat et le refuge éponyme

Dimanche 8 juillet 2018 – Jour 14

Refuge du Fourcat – Le Monicou

Descente du Fourcat au Monicou, de 8h à 16h.

Magnifique paysage dès que l’on s’élève au-dessus du refuge avec le lac Fourcat gelé au fond et le petit lac Fourcat au premier plan en dessous. On voit très bien, par ce beau temps, l’endroit où j’étais arrêté dans le brouillard ! Tout proche !

C’est le premier jour de marche avec Bernard, excellent compagnon de randonnée. Nous accordons nos allures ce qui me convient car je ne marche pas rapidement, c’est bien connu.

Longue descente vers Le Monicou en dominant les étangs du Picot et le lac Soulcem que je n’ai jamais vu d’aussi haut. Le chemin est à flanc de montagne, beaucoup de vide sous les pieds.

Le gite du Monicou est une maison traditionnelle de bonne facture avec ses murs en pierres sèches mais il ne fait pas restaurant, juste café. Il y a une cuisine équipée à disposition des randonneurs. Nous allons manger à Auzat avec un randonneur « bavard » très amateur des Pyrénées qui semble connaître toute la chaine. Bon marcheur, il collectionne les 3000 et compte bien tous les gravir …Il nous décrit ses ascensions avec force détails, est intarissable et coupe toute autre conversation qui ne gravite pas autour de ses exploits. Sans commentaire.

Au-dessus du lac Soulcem
Splendide paysage tout au long du chemin
Lac et refuge du Pinet

Lundi 9 juillet 2018 – Jour 15

Le Monicou – Refuge du Pinet

Départ du Monicou à 7h30, arrivée au Pinet à 10h30

Trois heures d’ascension sur un bon chemin. D’abord sous le couvert d’une belle forêt aux verts intenses, puis dans les alpages. Bernard, qui mène le train, a pris un rythme qui me convient parfaitement. Ciel dégagé, le soleil ne tarde pas à nous rattraper ce qui est bien plaisant après la fraicheur des premiers mètres dans l’ombre le long du ruisseau surchargé de l’eau de fonte. Mais bientôt le ciel se couvre au-dessus de nous à l’altitude du refuge que nous atteignons sans grande difficulté après trois petites heures de marche. C’est ma plus petite étape depuis le début …

Bernard trouve le courage de faire sa toilette dans le lac du Pinet tandis que je reste sur la terrasse à demi terrassé par le froid ! Mon intestin n’aime pas ça et me le fait savoir. Après un chocolat chaud, nous commandons une omelette pour Bernard et une assiette de charcuterie pour moi. Bien quand on a faim. Puis installation dans le dortoir et recharge partielle des batteries car le soleil qui écarte périodiquement les nuages n’émet pas assez de rayons pour alimenter ma batterie solaire. On a juste le temps de se rendre compte qu’il pourrait être bien chaud sans nuage !

Des randonneurs descendant des sommets nous signalent qu’il fait grand beau temps à partir du lac de Montcalm, c’est à dire vers 2400 mètres. Quant à la météo, elle prévoit du beau temps pour demain matin et variable ensuite ce qui est d’assez bon augure d’autant plus que le sommet derrière la crête frontière se trouve au soleil. C’est à souhaiter !

Après-midi tranquille. Un peu de lecture avec le peu de revues disponibles. Discussion avec Maud, jeune femme de La Rochelle qui s’occupe d’action sociale pour les SDF. Elle fait beaucoup de randonnées pédestres et cyclistes. Elle prend demain le même chemin que nous vers Baborte. Je fais quelques photos du refuge en faisant le tour du lac. Etonnement, trois bouquetins s’approchent du bâtiment sans être effarouchés. Mais vu de près, je m’aperçois que le plus gros n’a qu’une belle corne unique et un collier. Apprivoisés ? Non, mais habitués à la présence de l’homme, intéressés par quelque nourriture à glaner, et marqués par des colliers émetteurs pour étude de leur suivi quotidien.

Mais bientôt, le brouillard envahit tout et le refuge disparait avec tout le reste comme par enchantement. Jusqu’au soir, les nuages montent et descendent alternativement sans cesse.

Au repas, copieux comme d’habitude et auquel je fais honneur avec presque ostentation, une autre jeune femme se joint à nous trois. Elle est originaire d’Ariège mais vit à La Haye dans un tribunal international où elle travaille. Discussions intéressantes sur divers sujets. Les rencontres en montagne sont multiples, variées et enrichissantes … comme ailleurs !

Nous sommes en dortoir à deux niveaux de cinq couchettes chacun. Comme quatre personnes sont déjà installées en bas, je monte au-dessus pour disposer de plus de place, j’y suis seul. Il faudra faire attention sur l’échelle de meunier au milieu de la nuit … si nécessaire.

Sur les névés ...
... avant le col

Mardi 10 juillet 2018 – Jour 16

Refuge du Pinet – Refuge de Baborte

Départ à 7h30, arrivée à 17h.

Très belle étape.

Montée rapide à partir du refuge du Pinet dans les alpages dans lesquels on trouve très vite des névés qui nécessitent l’usage des crampons. Puis c’est l’ascension vers le port de Sullo avec aussi beaucoup de névés. Grand beau temps mais des nuages montent rapidement du nord comme issu du Pic Rouge de Bassiès. J’accélère un peu pour passer le col afin d’être à l’abri hors de ce brouillard qui ne va pas tarder. Nous passons le col et nous arrêtons derrière la frontière au-dessus d’un névé descendant de 600 mètres environ. Puis, c’est la descente interminable pendant laquelle les crampons sont bienvenus. Ensuite on cherche un peu le bon chemin car le GPS de Bernard et la carte Alpina de Maud ne s’accordent pas …

Et nous arrivons enfin au refuge de Baborte où déjà un randonneur est installé. Il y a neuf couchettes. Nous prenons place après avoir fait une toilette rapide au bord d’un lac tout proche. Des passages nuageux fréquents et un vent bien marqué rafraichissent l’atmosphère et n’incitent pas aux ébats aquatiques dans cette de fonte des névés.

Pendant le repas, un groupe d’une quinzaine de jeunes espagnols arrive. ils bivouaquent sous tentes sauf quelques uns qui investissent les couchettes restantes.

Un randonneur polonais dine dans le refuge. Il fait aussi la traversée, mais dans l’autre sens. Il nous parle de la très grande quantité de neige qu’il a rencontrée à différents endroits vers l’Aneto et Vielha, et à la Pierre Saint Martin. J’espère qu’elle aura fondu quand j’y passerai.

Demain, étape qualifiée de facile par le guide TransPyr de Maud.

Après-demain, ce sera plus dur …

J’ai essayé de contacter mon copain Fabrice, sensé me rejoindre à Vielha et ma famille mais je n’ai pas de réseau.

J’essaierai à nouveau demain. J’aimerai bien savoir si Fabrice peut venir, pour combien de temps et récupérer un nouveau pantalon m’arrangerait bien !

La soirée s’avance. Avec Bernard, je vais faire le plein d’eau dans le plus proche lac. Au retour les jeunes espagnols ont envahi le tout petit refuge et discutent avec le randonneur polonais en anglais. C’est amusant de les voir profiter de cette occasion inattendue pour tester leur connaissance en anglais et s’informer de différentes choses avec ce randonneur aventureux.

Je me glisse comme je peux dans ma couchette qui est juste derrière leurs dos. Heureusement la discussion n’est pas trop forte et ils semblent heureux de cette opportunité. Vive les échanges entre jeunes !

 

Refuge de
Baborte

Mercredi 11 juillet 2018 – Jour 17

Refuge de Baborte – Refuge du Certascan

Départ à 7h40, arrivée à 16h.

Le container-refuge plein à craquer de monde génère assez d’énergie pour avoir chaud pendant la nuit. !

Neuf couchettes, quinze personnes, quatre adultes et dix jeunes à deux par couchette. Le polonais dort sous la table.

Les autres jeunes sont sous des tentes à proximité. Le refuge est encombré des affaires des dormeurs, des sacs des jeunes restés à l’extérieur et de leurs provisions de bouche.

Après avoir secoué les matelas à l’extérieur pour les débarrasser d’un maximum de poussière, ils sont confortables. il faut juste prêter attention, sur les trois niveaux de couchettes, à la faible hauteur disponible pour chacune sous peine de se cogner la tête.

Je me lève deux fois pendant la nuit et c’est une épreuve d’adresse et de patience afin de ne déranger personne. D’autant plus que tout est en métal, le moindre contact avec le système de fermeture de la porte résonne dans toute la structure …

Petit déjeuner discret pour ne pas réveiller les dormeurs. Le temps très couvert pendant la nuit se lève et malgré des passages fréquents de nuages, nous avons un beau temps jusqu’à Certascan.

Après une petite montée dans les prairies entourant quelques beaux étangs, c’est une interminable descente de mille mètres qui nous fait traverser tous les étages classiques de la végétation de montagne. En final, de belles forêts puis une marche horizontale le long d’un ruisseau furieux d’être aussi chargé de tant d’eau de fonte qu’il est difficile de le traverser à différentes reprises. En un endroit le ruisseau est recouvert d’un névé formant pont de neige que nous devons franchir. Heureusement il est assez épais en son milieu ce qui nous permet un passage sans risque. Après un rapide pique-nique dans la vallée à l’ombre, nous attaquons 800 mètres de montée où Maud marque un rythme soutenu dans la première partie. On « mouille la chemise « comme dit Bernard. C’est très bien, cela nous fait logiquement arriver plus tôt. Au début c’est dans une ambiance chaude et ensoleillée, mais bientôt les passages nuageux impriment agréablement leur fraicheur certains moments.

Dans le haut de la vallée, sous le verrou qui retient le lac (« Estany ») de Certascan, une très forte cascade dévale la pente en conduite forcée souterraine.

Le verrou passé, on aperçoit le refuge derrière un lac traversé par le flot intempestif qui se jette dans le vide avec force embruns. Nous atteignons le refuge lorsque le temps change rapidement. Depuis quelques instants on voyait des nuages tenter de submerger la vallée, mais repoussés par les vents ascendants, leurs tentatives échouaient. Maintenant, ils doivent avoir pris de la force car c’est une pluie abondante transformée bientôt en grêle. Presque agréable à voir de l’intérieur de l’abri sécurisant du refuge. Mais inquiétant pour demain.

Le gardien nous rassure en nous indiquant que le temps demain sera équivalent à celui d’aujourd’hui, c’est-à-dire beau le matin avec couverture nuageuse se densifiant dans l’après-midi. Il faudra donc partir le plus tôt possible car nous aurons mille mètres positifs et mille mètres négatifs à franchir dans la journée soit deux cents mètres de plus qu’aujourd’hui.

L’ambiance au refuge est chaleureuse et animée comme souvent et peut-être plus ici en Espagne qu’en France.

Le gardien volubile est bien agréable, enregistre nos demandes et nous indique que le refuge Fornet est gardé. Nous n’avons donc devant nous que celui Pujol (ou du Mont-Roig) non gardé. Il faut prévoir l’approvisionnement en conséquence.

Cette journée fut belle, aussi bien quant à notre allure que du point de vue du paysage magnifique tout au long du parcours.

Bernard remarque que, de son point de vue, c’est la journée d’hier qui fut la plus belle. Sans doute parce que le chemin était riche d’images de haute montagne, de roche, de très abondants névés et notamment celui de 500 mètres en descente vers l’Espagne sitôt passé la crête frontière.

Les dortoirs du refuge sont à haute densité mais toutes les couchettes ne sont pas occupés même en tenant compte des nouveaux arrivants en train de manger bruyamment au rez-de-chaussée.

Le menu du diner, ce soir, est sensiblement différent de ceux français. Soupe de pâtes avec rondelles de saucisse, légumes  en abondance. Puis demis gros abricots en sirop et gâteau au flan garni de chocolat Bon repas roboratif.

Je n’ai pas pu contacter Fabrice, ni quiconque.

Nous devons gagner une journée afin que Bernard puisse prendre son avion de retour vers Paris. Donc nous annulons le détour prévu vers le Mont Valier.

En approche
du Certascan
Le lac du Certascan
Petit paradis : Noarre

Jeudi 12 juillet 2018 – Jour 18

Refuge du Certascan – Refuge de Mont Roig (ou Mont Rouch)

Départ à 7h30, arrivée à 16h15.

Je sais que c’est monotone mais cette journée encore fut belle ! Avec +1000 et -1000 mètres de dénivelé !

Le lac du Certascan, calme comme un miroir reflète les images des pics Soum et Couillac. Il faudrait rester près de lui toute la journée pour aussi admirer tous les aspects des reflets qu’il propose en fonction de la lumière changeante au fil des heures. Lors de notre passage, les sommets commencent seulement à être illuminés, tandis que le lac reste encore dans l’ombre. J’essaie d’imaginer ce que doit être le spectacle dans la journée ce qui me donne envie de revenir ici pour jouir du spectacle variable tout au long du jour. Une autre fois peut-être lors de randonnées ponctuelles dans cette partie de la montagne.

Ce versant espagnol est une découverte pour moi. Une belle découverte inattendue qui m’appelle pour d’autres fois. J’ai bien peur que d’autres paysages traversés lors du parcours de cette H.R.P. s’ajoutent à la longue liste de mes envies !

Pour accéder au col du Certascan, c’est l’ascension d’un très long névé où l’usage des crampons est nécessaire. Montée facile toutefois même si impressionnante à cause du dénivelé qui révèle une vue fuyante vers le bas. Ensuite, comme souvent après une montée, c’est une longue descente ! Mille mètres commencés dans des alpages entrecoupés de névés facilitant la marche car peu pentus et constitués de neige à peine croutée dans laquelle le pied impose aisément sa marque en douceur.

Et rapidement on entre dans la forêt qui conduit aux belles prairies dans lesquelles est posé le ravissant hameau de Noarre constitué de magnifiques maisons de pierres sèches parfaitement entretenues. Plusieurs groupes d’adolescents espagnols y séjournent. Cadre propice pour découvrir et apprendre la montagne.

Dans la montée vers le refuge, nous croisons une cabane de pierres, accueillante et bien aménagée intérieurement. Dommage qu’elle soit trop loin de notre but aujourd’hui. S’y arrêter est tentant mais cela handicaperait la journée de demain en lui ajoutant trop de dénivelé.

La dernière rampe pour accéder au refuge est particulièrement raide en ambiance canyon. On y côtoie un ruisseau qui dévale la pente quasi verticale dans un vacarme assourdissant, juste en contact avec le sentier. C’est impressionnant, le faux pas ici est interdit. Maud, qui préventivement contre une pluie éventuelle, a protégé son sac de couchage dans un sac plastique voit son précieux chargement glisser et dévaler la pente. Par chance, Bernard l’intercepte au passage. Ouf !  Une chute de plus de 200 mètres dans les cascades lui eut été fatale probablement.

Et enfin le refuge dans un site idéal.

Un petit lac plus bas de cent mètres et un autre au-dessus, plus proche. Le tout dominé par le Mont Rouch, voilà un cadre idyllique.

Le refuge lui-même est un conteneur métallique blanc avec douze couchettes. Celui de Baborte est orange. La première couchette est à ras du sol, la quatrième collée au plafond. Aujourd’hui, ces dernières ne sont pas occupées, on se demande comment arriver à s’y glisser tellement la hauteur libre est restreinte sous l’arrondi du plafond. Aucun espace perdu dans ce volume limité.

Huit personnes vont y cohabiter. Un couple de retraités français, un couple de jeunes polonais, un anglais et nous trois. L’anglais est arrivé en dernier. Pour accéder au refuge, il a franchi un pont de neige juste au-dessous, sur le torrent exutoire du lac, il s’y est arrêté le temps de discuter avec un randonneur près de l’eau. Nous avions repéré ce pont en apparente fragilité compte tenu de sa minceur. Une heure plus tard, Bernard le voit s’effondrer … ! Informé, l’anglais montre un visage pâle étiré verticalement en signe de forte peur rétrospective. On le serait à moins.

Comme ce pont était le seul passage pour franchir le torrent demain, un problème se pose pour la suite de notre randonnée. Le niveau de l’eau est très haut au gué habituel. Le passage le plus proche est cent mètres plus bas près de l’autre lac. Je cherche des pierres pour rehausser le gué. Mais les pierres sont rares, lourdes et lointaines. Nous réunissons nos efforts, le couple français et nous trois . Maud en extrait du fond du cours d’eau, et tous ensemble arrivons à créer un passage sur lequel il faudra tout de même prendre quelques précautions à l’approche de l’autre rive verticale sur deux mètres environ.

La réussite de cette action commune déclenche une bonne humeur générale et nous rions tous de bon cœur.

Repas relativement tôt, vers 19 heures avec les restes minimes du pique-nique fourni au Certascan.

Demain, refuge Fornet, les cartes l’indiquent non gardé mais le gardien du Certascan nous a affirmé le contraire.

Aujourd’hui était le dix-huitième jour sur mon planning qui en comporte quarante cinq, je suis donc à 40 % de mon voyage pyrénéen. Dans cinq jours Bernard retournera vers Paris, ce sera donc la moitié du périple. Et pour cette suite, personne ne doit me rejoindre, donc ce sera en solitaire … sauf rencontres imprévues, mais probables.

Il me plaît de croire que je trouverai le courage et la ténacité pour aller jusqu’au bout de cette superbe aventure.

Juste avant le refuge
Le refuge du Mont roig

Vendredi 13 juillet 2018 – Jour 19

Refuge de Mont Roig (ou Mont Rouch) – Refuge Fornet.

Départ à 7h30, arrivée à 17h.

Belle montée matinale sur des roches glaciaires polies qui présentent une grande variété de couleurs et de formes internes. Les stries de surface attestent l’abrasion intense par les glaciers au contact entre glace et socle rocheux. Ces roches ont un passé tumultueux. Leur structure est plissée finement sans doute sous l’effort de forces colossales à grande profondeur, donc à forte température.

Nous longeons de très beaux lacs près desquels il ferait bon bivouaquer …mais ceci n’est pas d’actualité aujourd’hui ! Avant de franchir la Collada de la Cornella, nous nous trompons de chemin et escaladons un autre col tout proche, bel exercice physique … mais inutile. Il faut redescendre. nous devrons être plus vigilants pour éviter ce genre d’erreur qui consomme beaucoup d’énergie pour rien. Dommage, cette montée était belle, les photos l’attesteront. Après une grande descente, nous trouvons enfin le bon chemin qui est cairné. Nous ne le quitterons plus. Longue, très longue descente. Quelques névés au début, puis des rhododendrons parmi des roches éparses entre lesquelles le sentier se fraie un passage que nous nous efforçons de ne pas perdre. Les cairns nous aident bien.

Plus bas, le chemin continue sa longue descente en forêt dont un grand nombre d’arbres sont couchés sur le chemin. Sans doute à cause de fortes chutes de neige qui les ont fait souffrir. Au passage d’un col, nous apercevons dans la vallée une colline surmontée d’un grand pylône que nous pensons être un relai téléphonique. Nos téléphones fonctionnent au bout de quelques secondes. Nous pouvons donner des nouvelles à nos proches, et, contrairement à ce que nous ont dit des jeunes espagnols de rencontre, les Bleus sont en finale (de football bien sur). Nous prenons cette  nouvelle avec l’enthousiasme de gamins … que nous sommes sans doute un peu !

Notre bonne humeur s’en trouve toute renforcée.

Après une très longue descente, encore ! Nous atteignons une route goudronnée de montagne qui nous conduit au refuge.

Nous y mangeons une tortilla de pommes de terre accompagnée d’une bière en attendant le repas prévu pour vingt heures.

Puis douche, lessive des petits effets, qui ne sèchent pas complètement dehors. Mais que je pose sur le sac de couchage installé au sol d’une salle de restaurant inutilisée en espérant un séchage nocturne.

Le repas est copieux et succulent.

En
descendant
vers Fornet
La piste entre Fornet et Montgarri
Le beau refuge de Montgarri

Samedi 14 juillet 2018 – Jour 20

Refuge Fornet – Refuge Montgarri

Départ 8h50, arrivée à 13h.

Fête nationale en France.

À notre façon, nous faisons aussi un peu la fête : petit parcours tranquille sur chemin débonnaire déjà parcouru lors de prospection spéléologique dans le passé.

Nous marchons de front tout le long du chemin … sauf pour laisser le passage à quelques VTT, motos tous terrains ou rares voitures très lentes.

Conversations variées sur choses et d’autres. Très sympathique.

Nous savons que Maud emprunteras demain un autre chemin, peut-être est-ce pour cela que nous prenons le temps de ne pas nous presser afin de faire durer cet échange.

Arrivés au refuge particulièrement bien situé … et beau. Nous prenons le temps, encore ! de visiter la petite église puis de boire une bière fraiche, et de nous prélasser au bord du ruisseau dans une herbe grasse et accueillante à souhait. Maud et Bernard testent la température du torrent qui se révèle très plaisante.

Puis c’est la douche sans précipitation !

Après-midi de repos.

Repas copieux et bon comme d’habitude depuis que je suis parti de Banyuls : soupe de légumes, salade verte avec tomates et jambon roulé, plat de viande d’agneau avec légumes en sauce, flan à la chantilly, tranches généreuses de pain et alcool ressemblant au ratafia de chez nous, doux et fruité.

Demain, nous devons aller à Vielha, jusqu’à Salardu à pied et ensuite en stop si ça marche.

Ce sera dimanche et il faudra arriver tôt à Vielha pour trouver des magasins ouverts car nous devons nous réapprovisionner. Je n’ai plus rien à manger dans mon sac ! Puis arriver le soir au refuge afin de pouvoir atteindre le refuge de la Renclusa demain, ce qui constituera une grosse étape.

Et puis, nous voulons voir la finale de football puisque la France est qualifiée. !

Demain, Maud nous quitte pour revenir en France vers le refuge des Espagnous. J’ai l’impression de la connaître depuis longtemps et la voir partir nous laissera un vide. C’est une personne attachante, intelligente. Son rire explosif nous manquera. C’est ainsi les rencontres sur la route, éphémères. C’est riche et à la fois frustrant. Il faut l’accepter … ou rester chez soi !! ( * )

( * ) Je ne sais pas encore que nous allons nous revoir souvent pour de longues et nombreuses randonnées.

La Maladeta vue de Salardu
La Garonne à Vielha

Dimanche 15 juillet 2018 – Jour 21

Refuge Montgarri – Refuge Conangles

Journée particulière :

Maud quitte le groupe.

Nous prenons le bus après Salardu pour arriver à Vielha au coup d’envoi du match.

La France gagne la coupe du monde.

Nous prenons un taxi jusqu’au refuge de Conangles.

Le gardien qui est basque reconnait l’origine de mon nom et m’indique qu’il signifie « rapide ». Je ne demande qu’à le croire … mais ma marche en randonnée aurait tendance à le contredire !

En résumé, selon les différentes traductions qu’on a pu me donner, mon nom signifierait : « fort », « d’en haut », « rapide » …

Si avec ça, je ne peux pas finir ma randonnée, c’est que je n’ai pas de chance !

Lundi 16 juillet 2018 – Jour 22

Refuge Conangles – Refuge de Molières

Nous avons prévu d’aller jusqu’au refuge de la Renclusa. Le programme est donc : +1510, -1000, 8h30.

Chaude, chaude sera la journée annoncée …

Mais quelquefois la réalité s’éloigne du prévisionnel.

Départ de Conangles à 7h15, arrivée au refuge de Molières à 10h30 pour un dénivelé de 760 mètres.

Trois heures de montée sous une pluie glaciale.

Nous arrivons transis de froid au refuge et très mouillés.

Arrêt obligatoire. Impossible de continuer. Ambiance paralysante par le froid.

Beaucoup de névés à partir du refuge et il reste encore 600 mètres avant le col. Dans ces conditions, il faut s’arrêter.

Glacés et les vêtements trop mouillés pour continuer. La pluie s’arrête après un moment et la vue vers le bas se dégage, on voit très bien notre point de départ mais les nuages font du yoyo. Tantôt l’environ du refuge est très dégagé aussi bien vers le haut que vers le bas, tantôt tout est pris dans des nuées insondables agrémentées de courtes averses réfrigérantes.

Nous nous faisons une boisson chaude. Chocolat pour Bernard, potage pour moi. Puis c’est repos dans nos sacs de couchage pour retrouver une température corporelle normale, pendant que nos vêtements suspendus un peu partout tentent de sécher.

Un peu plus tard, nous faisons l’inventaire du refuge. Sur des étagères nos prédécesseurs ont laissé toutes sortes de choses. Vieilles photocopies de cartes inutilisables, canettes de bière entamées, sachets de reste de nourriture. Mais aussi des objets qui peuvent être utiles. Comme briquet, petite veste, pantalon imperméable léger, piolet avec dragonne, bouteille de vin entamée, petite pharmacie, couverts, etc.

Nous réfléchissons à la suite de la randonnée car il faut impérativement que Bernard puisse descendre dans la vallée de Luchon dans trois jours pour prendre son avion de retour vers Paris.

Nous décidons d’attendre à demain pour repartir car les 600 mètres qui nous séparent du col ne doivent pas être parcourus dans de mauvaises conditions climatiques. Ce serait dangereux. Nous ne connaissons pas le terrain, il y a de très nombreux névés, il ne faut pas perdre le balisage de cairns et dans les nuages, sous la pluie intermittente et vêtus mouillés, ce serait inconscient.

Demain nous partirons tôt en espérant un temps dégagé. Ou tout au moins sans pluie en fixant l’Hôpital de la Renclusa comme objectif. Et si la météo n’est pas favorable ensuite pour atteindre le Portillon, il nous restera l’option de descendre vers Vénasque et/ou l’Hospice de France.

Demain sera un autre jour … Bon, l’espoir reste présent.

Ce temps est contrariant pour plusieurs raisons dont le fait de ne pouvoir profiter du cadre grandiose annoncé dans le guide. C’est la montagne et ses impondérables.

Restons de bonne humeur, motivés et optimistes !

Les heures défilent lentement dans ce havre salutaire matérialisé par ce refuge tout neuf, nous l’apprécions à sa juste valeur. ( * )

Deuxième petite sieste dans le sac de couchage. Que faire quand on est bloqué dans un refuge ? Puis repas à vingt heures. Pâtes chinoises, chorizo trouvé en attente sur une étagère, une orange et des biscuits fournis ce matin avec le pique-nique. Voilà, ce sera tout pour ce repas. J’aurais du acheter beaucoup plus de pâtes chinoises et leur ajouter viande en tranches sous blister, et café-thé … trop tard ! La prochaine occasion d’achat est lointaine dans le temps et l’espace. Sur le guide TransPyr, il est mentionné que l’eau est à proximité de refuge, aujourd’hui c’est particulièrement vrai car il y a des névés fondants partout Je trouve un ruisselet à une trentaine de mètres seulement Pratique quand la pluie insidieuse est très présente.

Le refuge doté de panneaux solaires a aussi des éclairages internes montés sur minuterie limitée à une heure, pratique aussi ça !

21h40. Il est temps de dormir. Cette nuit s’annonce calme dans le refuge. Un bon sommeil sera utile car la journée de demain s’annonce intense et j’espère bonne dans des conditions climatiques acceptables et supportables. Espoir ! Toujours.

( * ) Remarque générale sur les refuges gardés en Espagne :

Ils sont tous bien entretenus, agréables. On y est très bien accueillis et la nourriture est bonne, particulièrement abondante. C’est une bonne solution d’y faire étape. Il faut tout de même tenir compte du coût de chacun. Même si ces belles prestations sont facturées raisonnablement, leur cumul constitue un budget non négligeable. Il faut compter soixante euros environ par jour et par personne, pour dîner, nuit, petit déjeuner et provision pique-nique. sur 45 jours, la note atteint 2700 euros. Bien sur, c’est le confort car il n’est pas utile, si on fait ce choix, de transporter le matériel de bivouac. Le sac s’en trouve considérablement allégé, et par suite la marche plus facile. Personnellement, je n’ai pas fait ce choix aussi mon sac est beaucoup plus lourd … et mon budget plus léger. Je tente de faire la traversée sans dépasser 1200 euros. À mi chemin, je suis au-dessus de cette prévision, mais c’est parce que depuis 10 jours nous sommes systématiquement en refuges gardés. Je reviendrai en bivouac autonome dans trois jours en alternance avec les refuges gardés … pour rester en contact avec « l’humanité » et me reposer confortablement.

( * ) Remarque générale sur les refuges non gardés en Espagne :

Aujourd’hui, nous sommes dans le troisième refuge non gardé. Il y a eu Baborte, Mont Roig et Molières. Ce dernier est le plus récent, donc en meilleur état. Mais tous sont très corrects, bien placés, bien isolés et l’impression de sécurité est réelle partout. Ce qui est leur fonction première sans doute, mais c’est encore mieux quand elle est réellement ressentie. Dans les deux premiers, nous étions nombreux et l’ambiance était chaleureuse. Ici nous sommes seuls, mais comme le refuge est en très bon état, notre situation, glaciale à l’arrivée, est maintenant bien agréable.

Tout neuf, le refuge de Molières
Pendant le mauvais temps
Au lever du jour, le soleil est revenu !
Lac gelé près du sentier

Mardi 17 juillet 2018 – Jour 23

Refuge de Molières – Espitau de Benasque

Départ de Molières à 7h, arrivée à Espitau de Benasque à 16h.

Si hier était une étape difficile car par mauvais temps, aujourd’hui est une étape de rêve.

Dans la nuit, je suis sorti du refuge et j’ai pu voir un ciel magnifique barré par la voie lactée comme on ne peut la voir qu’en montagne loin des pollutions lumineuses humaines.

Ce matin, grand beau temps. Le moral est du coup remonté à bloc. Dès le départ nous gravissons des névés omniprésents. Le soleil nous prodigue une lumière matinale mettant en relief les moindres rochers, tous les détails des névés. Tout est accentué, paysage jouissif. Le dénivelé important ne perturbe pas notre montée. Comme dans un rêve éveillé. C’est noël à tous les instants. La pente raide est franchie avec une aisance déconcertante. C’est facile la montagne ! Nous sommes aussi souvent arrêtés qu’en marche tellement nous ne voulons pas perdre une seule des images qui s’offrent à nous. Nous changeons les cartes mémoire de nos appareils photos mais surtout chargeons nos mémoires de ce paysage fantastique. Le col s’atteint par le franchissement d’un véritable mur que nous attaquons de front. C’est de l’escalade véritable avec beaucoup de vide derrière nous. Je suis dans un état second. Cette roche que je crois de granit rose par endroits est particulièrement saine et la franchir est grisant. L’arrivée sur la crête s’accompagne de la découverte de la Maladeta dans toute sa splendeur. Toute de blanc vêtue, elle éclate de beauté sous un soleil resplendissant. Nous voyons nettement le glacier de l’Aneto et les cordées qui y progressent. Sous nos pieds un immense névé n’en finit pas de descendre. Pour plus de confort nous chaussons les crampons permettant de descendre avec grande facilité et plus d’assurance. La marche est douce sur ce sol feutré et quasiment immaculé. Le rêve je vous dit !

Oubliée la dureté de la veille. Après une belle succession de beaux névés nous arrivons sur les chemins serpentant entre les méandres de la jeune Garonne. Beaucoup de monde a décidé de profiter de cette magnifique journée.

Nous atteignons l’Hôpital de Benasque à 16h où nous prenons une chambre double dans laquelle la douche chaude est particulièrement bienvenue.

Si le guide indique qu’il y a un refuge et un hôtel, en fait c’est un hôtel qui ne ressemble en rien à un refuge. C’est tout de même parfait pour nous.

Petite préparation pour la journée de demain que nous souhaitons aussi belle que celle d’aujourd’hui. Demain sera notre dernière journée commune avec Bernard. Ensuite, il descendra vers Luchon pour regagner Paris où son travail l’attend. Le pauvre !

Passé le col de Molières, devant la Maladeta
La jeune Garonne se perd ici au Trou du Toro